Enregistré il y a vingt ans, le duo Carl Schlosser et Alain Jean-Marie sort aujourd’hui, comme si nous redécouvrions un vieux livre de poésie dont les rimes oubliées nous reviennent charmantes, et O surprise !… Les chants embrassés lèvent un voile sur un saxophoniste de renom devenu pour l’occasion flûtiste méconnu.
Une rencontre autour de quelques compositions et de quelques idées d’arrangements dixit Carl Schlosser, ce à quoi nous pourrions ajouter une complicité naturelle dans l’échange, une expressivité feutrée teintée par une émotion sensible, voilà déjà de quoi réaliser une belle œuvre.
Les deux compères défilent leur art de l’interprétation autour de quelques immortels standards, où les entrelacs de la flûte viennent se mêler à la profondeur inspirée et toujours élégante d’un Alain Jean-Marie, très à son œuvre dans ces revisites dont il fait siennes les quelques audacieuses incursions inventives. (We’ll be Together Again). La flûte permet ainsi des évasions labyrinthiques qui sont moins aisées pour d’autres vents, et ce discours s’enrichit encore par le choix des tonalités différentes des instruments utilisés. Le majestueux est atteint lorsque la sobriété n’exclut pas l’excentricité retenue comme si pour une fois l’anachronisme était à l’heure. (Rain Check).
La particularité des duos tient au format réduit qui se joue de l’absence de cohorte plus nombreuse pour développer une atmosphère où l’instrument est seul roi. Le plus de ce duo est qu’il n’est pas seulement une réduction instrumentale au point que le questionnement sur les arrangements n’est pas de mise. Comme si l’écriture était profondément dédiée à cette formation. L’habile et labile maîtrise des sonorités flûtistes y est sans doute pour beaucoup, conjuguée à une immense maturité respectueuse du répertoire chez Alain Jean-Marie.
Du coup, s’agit-il vraiment ou simplement de revisites de standards, ou n’est-ce pas plutôt un échange poétique sur airs partagés, comme une forme de connivence musicale qui va bien au-delà de la simple interprétation.
Au-delà du blindfold test permettant de réattribuer à chacun l’écriture des voyages, il y a aussi le jeu « Devinez quelle flûte ? » Problème d’embouchure à y perdre sa tête…Où l’on découvre à l’occasion qu’il faut aussi avoir du souffle pour se souvenir d’Avril !
Le jeu feutré et intimiste qui est la marque d’Alain Jean-Marie permet sur ces enregistrements toutes les libertés au flûtiste sans jamais céder à l’audace déplacée. En cela, c’est aussi des relectures chaleureuses et hautement respectueuses. Chaque titre mériterait un sonnet.
Ben flûte alors, il est vraiment top ce disque !
N.B. Je n’ai pas, à ma connaissance, de lien de parenté avec Carl Schlosser
Personnel :
Alain Jean-Marie – Piano
Carl Schlosser – Flûte (1,2,6,7,9), flûte alto (5,11), flûte basse (3,10), piccolo (4,8)
Photos ©: Patrick Martineau JzzM
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