De Bruno Ruder ce n’est pas peu dire qu’il fouaille dans les entrailles du piano pour en extraire moult pépites.
Les fortes et les pianos de l’instrument sont abondamment sollicités sans que la quête paraisse jamais autre chose que musicale.
Foin de démonstrations virtuoses, donc mais un fort goût des contrastes. Des basses telluriques aux aigus perlés, le clavier gronde ou chante.
Le phrasé est tantôt fluide voire torride, tantôt hésitant, cherchant la note juste, écoutant la résonance, laissant place aux silences.
Cette approche de l’instrument est proprement fascinante car l’attention de l’auditeur est constamment sollicitée tant la surprise est un élément constitutif du jeu.
Certains passages semblent par moment couler de source, tel ostinato par exemple, tel trait cantabile.
Puis surviennent des écarts de registre, des variations de tempo qui font attendre la façon dont le pianiste amènera la résolution de la phrase.
Car derrière ce gout de la surprise on sent en permanence un souci de la construction, de l’architecture des morceaux qui ne laisse rien au hasard. Difficile de déterminer ici la part de l’écrit et celle de l’improvisation.
Mais qu’importe.
Seul face à ses 88 touches, Bruno Ruder malaxe et modèle la pâte sonore comme un sculpteur de l’instant ou un équilibriste toujours conscient de son centre de gravité et des possibilités de basculement harmoniques ou de continuité mélodique que lui permet ce contrôle, qui n’exclut pas le lâcher prise.
Ce solo foisonnant est un bien beau voyage aux paysages sonores variés et le guide qui nous y convie est un maître dans l’art d’enchanter nos oreilles sans jamais nous lasser. Magistral !
PS : La musique jouée ce soir par Bruno Ruder existe aussi sur le beau CD « Anomalies » publié par le label Vision fugitive.
©Photos Jean-Baptiste Millot
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