
Le bien nommé Quatrième Souffle est une nouvelle illustration des possibilités qui s’offrent à un combo sans instrument harmonique, au même titre qu’une belle exploration des territoires d’expérimentation permis par l’art du trio.
Les musiciens recherchent ici une authenticité, un art de jouer qui s’incarne dans le choix du lieu, le Jazz Club Blue Perry, à Blanzaguet Saint Cybard, (Charente) doté d’une acoustique exemplaire et qui externalise la plasticité du jazz, échappant au caractère obligé de l’étape du studio urbain, au profit d’un espace de création océanique tourné vers le monde.
Les compositions originales célèbrent toutes, à leur manière, un art consommé du calambour tantrique, une logique à la limite du dadaïsme, ainsi qu’en témoignent des titres comme « Serments d’Hippocampe » ou « Fleur de Nuit ».
Mais l’essentiel n’est pas là ; il résiderait plutôt dans la richesse ondoyante d’une maestria mise au service d’un art en forme d’absolu relatif, une liberté chèrement acquise qui se trouve totalement intégrée à un corpus plus vaste, riche de prolongements évocateurs, avec une liberté harmonique, des expérimentations free, et des tensions exogènes empreintes de flammes et de saillies mélodiques.
À cet égard, « Teanek » et « Éclore » permettent de matérialiser une liberté nouvelle, riche de fondements et de bouleversements soniques, qui jalonnent un parcours à la fois collectif et introspectif.
« Du Jour au Lendemain » et « Au Temps Pour Moi », loin de respecter la cadence que leur énoncé présuppose, sont des manifestes en forme de relâchement, conciliant apaisement et audace dans un melting pot secoué par les brisures de rythme.
Sur « Aura », les jalons jetés par les trois compères étourdissent le peu de jugeotte que les autres titres nous avaient laissée, réaffirmant au passage une spontanéité et un détachement proches de la métaphysique orientale.
L’osmose entre les musiciens évoque la rencontre de Don Cherry avec Ornette Coleman, la liberté d’Albert Ayler, cordes caressées ou slappées, frappes tendues ou brossées, souffle rauque ou clair, à la manière d’une réminiscence du « Sometimes I feel Like A Motherless Child » d’Archie Shepp, qui naviguait entre gospel, free bop et blues.
Il serait aisé de gloser sur le timbre suave de Yoann Loustalot, quelque part entre Freddie Hubbard et Kenny Wheeler, de rêver sur la dentelle diaphane et parfaitement articulée de Blaise Chevallier, ou de relever que, décidément, Fred Pasqua est l’un des meilleurs batteurs percussionnistes qui soit.
À cet égard, le morceau de bravoure qu’est « Poisson d’Avril » synthétise, mieux qu’un beau discours, ce qu’Aerophone apporte au monde de la musique, un futur en forme de potentialité.
Un disque magnifique, superbement enregistré et produit, sans doute le meilleur essai de la formation.
Les Musiciens :
Yoann Loustalot : trompette, Bugle
Blaise Chevallier : Contrebasse
Fred Pasqua : batterie
Aerophone est sorti sous le label associatif Bruit Chic , le 14 novembre 2025.
Il est Hit Couleurs Jazz et fait partie du Best of The Month des albums sortis en novembre 2025.
©Photos Hervé Escario


















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