« Je n’aime pas le jazz ! » entend-on trop souvent dire par ceux, qui la plupart du temps… ne connaissent pas cette musique. L’idée fixe selon laquelle le jazz serait une « musique d’ascenseur » (la célèbre version « Girl from Ipanema » de Stan Getz et João Gilberto à jamais immortalisée par ce cliché), du groupe qui joue de la « musique de fond » au mariage ou au dîner d’entreprise, est malheureusement encore bien vivante dans l’imaginaire collectif.
Les jeunes trouvent que le jazz fait « vieillot » ou « snob », ils ne pensent pas que cette musique soit faite pour eux. Cependant, lorsque l’on écoute The Iron Age, le nouvel album du sextet de Nicolas Gardel, soudain nous voyons des têtes ravies se redresser et nous demander étonnées : « mais ça… c’est du jazz ? ».
Nicolas Gardel est un trompettiste toulousain, diplômé du Conservatoire National de Musique de Paris, qui s’est entouré et a pris part aux projets de grands noms de la scène mondiale du jazz tels que Riccardo Del Fra, Henri Texier, Chris Potter… pour ne citer qu’eux. Les musiciens qui composent son groupe ne sont pas moins remarquables : Ferdinand Doumerc aux saxophones et à la flûte, Dorian Dutech aux guitares, Thibaud Dufoy au piano et aux claviers, Philippe Burneau à la basse ainsi que Jérôme Martineau-Ricotti à la batterie. Après The Dark Side of a Love Affair en 2012, les énergiques Headbangers sont de retour pour faire se secouer des têtes une nouvelle fois. Leur musique se veut comme un dialogue entre le jazz moderne, la funk et la pop-électro. De longs morceaux instrumentaux composent cet album : « Loveless in Babylone » ou « Seven Skies » nous font penser à du rock progressif, tandis que la reprise du « Mister Clean » de Weldon Irvine ou « Pump », groovent à souhait, bien ancrés dans le funk et le hip hop. On ne se prive d’ailleurs pas d’utiliser des sons empruntés à la musique électronique et aux DJs. Gardel réussit avec brio à produire une musique populaire, assez proche du pop/rock, sans jamais céder à la facilité et tout en laissant la part belle à l’improvisation et donc au jazz.
©Tous droits photographiques réservés. Nicolas Gardel & The Headbangers
L’album s’auto-confère une dimension mystique et sacrée : la pochette représente l’archange Michel achevant Satan, représenté sous la forme d’un dragon. Le titre, aussi, est éloquent : « The Iron Age » « l’âge de fer », renvoie à l’époque de la préhistoire comprise entre l’âge de pierre et l’âge de bronze. Plusieurs titres font référence à des éléments mystiques, « The Rise of Gabriel », « Seven Skies » (les « sept divisions » du ciel est une croyance issue des religions mésopotamiennes) et « Alpha & Omega » respectivement la première et dernière lettre de l’alphabet grec, qui symbolisent l’éternité du Christ. Nous ne pouvons que deviner l’intention du trompettiste derrière ces multiples références divines… Quoiqu’il en soit, à l’écoute de son phrasé limpide et virtuose, on ne peut s’empêcher de se dire en souriant que le son de la trompette de Nicolas Gardel aurait pu faire tomber les murs de Jéricho.
L’avant dernier titre de l’album pose la bonne question : « What is this Thing Called Jazz ? » (en référence au célèbre standard « What is this Thing Called Love? »). En effet, qu’est-ce que le jazz après tout ? Nous sommes si loin de l’irrésistible, du swinguant, Satchmo ou de l’éthéré Keith Jarrett… Et pourtant, tous revendiquent appartenir à ce genre musical. Parce que le jazz est au plus profond de lui-même une musique qui se mélange, qui évolue sans cesse. L’auditeur doit comprendre qu’il n’y a pas « un » jazz, mais qu’il s’agit d’un objet élastique, pluriel, polymorphe, qui se régénère au fil des saisons, toujours accompagné d’un souci certain d’excellence… Au vu de cette définition nous nous demandons : mais finalement, qui pourrait ne pas aimer le jazz ?
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