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La force du festival de Junas et les raisons de sa longévité tiennent, en premier lieu, à la qualité d’une programmation originale illustrant la scène jazzistique de pays européens, cette année l’Allemagne avec des musiciens peu connus dans nos contrées, tout en restant ouverte à des artistes locaux. Résolument tournée vers l’avenir, l’affiche ne perd pas de vue l’authenticité du jazz et évite toute complaisance aux sons à la mode.

Puis il y a les concerts gratuits de 18 heures du temple de Junas éclairé par la lumière transmise par les vitraux de Daniel Humair et les soirées se déroulant dans le cadre enchanteur des Carrières où souffle l’esprit de la musique. À ceci s’ajoutent des expositions, des conférences et des stages de jazz organisés dans la journée par les équipes de Rémy Gauche et Fabrice Tarel.

Enfin, une formidable équipe de bénévoles assurent la réussite de cette belle aventure conviviale dont le souvenir est présent toute l’année dans les rues de Junas baptisées du nom de musiciens s’étant produits au festival.

Mercredi 17 juillet 2024

La musique du duo Saxicola Rubi, qui donnait le coup d’envoi du festival au temple, symbolise l’esprit d’ouverture animant la programmation du Festival de Junas. Explorant les alliages sonores générés par la clarinette basse et le saxophone soprano, deux instruments rarement associés, les lignes mélodiques tissées par Dirk Vogeler et Laurent Rochelle s’entrelacent, se répondent et se rejoignent en un discours largement improvisé mettant en valeur leurs propres compositions, une biguine et des pièces classiques comme la variation Goldberg N°13 de Bach.

Une démarche qui n’est pas sans similitudes avec celle du contrebassiste virtuose Dieter Ilg, un compagnon de route d’Albert Mangelsdorf, Till Brönner et Randy Brecker, connu pour ses interprétations jazzifiées d’œuvres de compositeurs classiques (Verdi, Wagner, Beethoven). Poursuivant dans cette voie, Dieter Ilg a utilisé les ressources d’une double culture classique et jazz pour présenter sur la scène des Carrières, des versions improvisées de pièces de Jean- Sébastien Bach figurant sur son album « B.a.c.h. » paru chez Act en 2018.

S’ensuivit une lecture vivifiante et largement improvisée de classiques de ce répertoire portée par le jeu de piano inventif de Rainer Böhm et les figures rythmiques développées avec une grande cohérence de Patrice Héral.

On retrouve en deuxième partie cette affinité entre classique et jazz exprimée au plus haut point chez le trompettiste Markus Stockhausen au travers de compositions structurées par les concepts de la musique occidentale, sa pratique de la trompette classique et une façon d’improviser en toute liberté sans contraintes stylistiques marquées.

En ressort une musique magnifiée par les belles notes du guitariste Nguyên Lê, un complice de longue date, et l’accompagnement sur mesure d’un quintet virtuose à la formule originale où le violoncelle de Jörg Brinkmann assume avec brio un double rôle de soliste et d’accompagnateur. 

Line-up

Temple

Saxicola Rubi : Dirk Vogeler et Laurent Rochelle (clarinette basse et saxophone soprano).

Carrières

Dieter Ilg Trio « B.a.c.h. »  

Dieter Ilg (contrebasse), Rainer Böhm (piano), Patrice Héral (batterie)

Markus Stockhausen Group invite Nguyên Lê « Celebration »  

Markus Stockhausen (trompette), Nguên Lê (guitare), Jeroen Van Vliet (piano et clavier), Jörg Brinkmann (violoncelle), Christian Thomé (batterie). 

Jeudi 18 juillet

À la suite du concert dans un temple archicomble du duo associant Arthur Bacon et Maël Goldwaser, interprètes inspirés de compositions évoquant la tradition du flamenco, le public s’est dirigé aux sons d’une fanfare batucada composée des stagiaires de Rémy Gauche et de Vanina de Franco, vers les Carrières où le voyage franco-allemand a repris son cours avec le trio d’Airelle Besson.

Une occasion d’entendre les compositions remarquables du pianiste Sebastien Sternal (Magnolia qui ouvrait le concert et T. J., un hommage à son professeur, le pianiste John Taylor), et d’Airelle Besson (The Painter & The Boxer).

S’ensuivit une musique d’une grande subtilité, remarquablement structurée, riche en surprises et magnifiée d’un souffle contemporain par les nuances chatoyantes de la trompette agile d’Airelle Besson qui sut dire beaucoup en peu de notes ; le tout animé en toute convivialité par l’énergie rythmique de Jonas Burgwinkel et le toucher délicat de Sebastien Sternal. L’art d’un vrai trio.

La soirée s’est poursuivie avec le Tingvall Trio venu présenter le répertoire de son album « Birds » (Skip Records, 2023) qui tire sa force de l’expérience acquise au cours de vingt ans d’existence. Inspirée par les sons de la nature transmis par le chant des oiseaux et animée d’un dynamisme s’inscrivant dans la ligne du trio E. S. T., leur musique nourrit la tradition du jazz par sa force, son lyrisme, son inventivité et sa poésie. Un concert prolongé fort naturellement, le samedi 20 juillet, par une conférence sur le chant des oiseaux organisée par le Centre Ornithologique du Gard.

Line-up

Temple

Arthur Bacon (accordéon) et Maël Goldwaser (guitare flamenco)

Carrières

Tingvall Trio « Birds » : Martin Tingvall (piano), Omar Rodriguez Calvo (b), Jürgen Spiegel (batterie),

Airelle Besson Trio : Airelle Besson (trompette, composition), Sebastien Sternal (piano, Fender Rhodes, compositions), Jonas Burgwinkel (batterie, compositions). 

Vendredi 19 juillet

Après le concert au temple où Katharina Koch et Kira Linn ont exploité les ressources de la formule chant-saxophone baryton en mettant en valeur un répertoire éclectique constitué de standards du jazz et de pièces classiques, les festivités se sont poursuivies au Carrières avec le groupe Triosence qui a exposé, avec une science accomplie de l’interprétation, les belles mélodies du pianiste Berhard Schüler, évocatrices de toute une variété de climats parés des couleurs du jazz.

Une belle soirée poursuivie par les sons musclés du sextet de Jakob Manz, un saxophoniste issu d’une lignée allant d’Earl Bostic à David Sanborn en passant par Klaus Doldinger. Capable d’exposer la mélodie d’une ballade qu’il embellit de sa belle sonorité avec feeling et de distiller un groove trempé dans le funk des années 70, Jakob Manz est, à l’âge de 23 ans, un musicien accompli. Sa prestation et la qualité de son orchestre constitué de musiciens expérimentés furent appréciées par le public qui termina le concert debout.

Ce fut ma dernière soirée à Junas et je passe le relais à Patrick Martineau pour témoigner en images du samedi 20 juillet.

Line-up

Temple 

Katharina Koch (chant) et Kira Linn (saxophone baryton)

Carrières

Triosence « Giulia » : Bernhard Schüler (piano), Omar Rodriguez Cavo (contrebasse), Tobias Schulte (batterie)

Jacob Manz « Groove Connection » : Jacob Manz (saxophone alto, flûte), Karin Hammar (trombone), Simon Oslender (claviers), Bruno Müller (guitare), Larry Danielsson (guitare basse), Per Lindwall (batterie).

Ce fut cette année ma dernière soirée à Junas. Les festivités se terminèrent le lendemain 20 juillet en apothéose avec les prestations de Youn Sun Nah et Nora Kamm dont Jacques Lerognon a restitué toute la magie pour Le Jazzphone ; lire ici.

©Toutes les photos sont l’oeuvre de Patrick Martineau pour Couleurs Jazz.

 

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