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Hit Couleurs JAZZ

Sept ans de réflexion … et de maturation pour résumer quatre décennies d’un parcours unique, plongeant ses racines dans le swing, le blues, le bop et le hard bop !

Car Yves Brouqui fait partie de cette génération de musiciens héritière des monstres sacrés historiques qui ont sublimé leur instrument, la guitare, et sa place dans l’orchestre, en en faisant un instrument soliste au même titre que le piano, les cuivres… : Charlie Christian, Jimmy Raney, Jim Hall, Wes Montgomery, Pat Martino, Grant Green, Kenny Burrell, Barney Kessel, Herb Ellis, Joe Pass …

Yves nous confie : « Après avoir exploré la formule du trio avec basse et batterie lors de mon précédent album (« How Little We Know* »), je voulais revenir à une formule en quartet avec un piano ; ça me rend plus libre dans mes improvisations, je peux prendre plus de risques avec le « filet » du piano assurant la structure harmonique, et c’est celle que j’utilise en général pour mes concerts en leader (comme dernièrement au ‘’Sunset**’’ ou au ‘’Son de la Terre**).  

De plus ce nouveau projet représentait pour moi une étape importante, une sorte de résumé de 40 ans de carrière, avec le choix délibéré de rendre hommage à mes influences. Je voulais aussi un bel assemblage de standards, de compos et de « jazz tunes ». 

Pour cet album, et comme souvent, c’est l’opportunité qui fit le larron ! Le trio de Spike Wilner était programmé les 8 et 9 mars 2024 dans l’un des plus célèbres clubs parisiens, le ‘’Duc des Lombards**’’. « … C’est là que j’ai eu l’idée d’enregistrer avec eux, je les connaissais, c’était une rythmique musicalement déjà bien soudée :  un signe du Destin ! Tout s’est fait ensuite très vite : le répertoire, le studio, l’organisation … »

Présentons donc ici le quartet et d’abord son leader, Yves Brouqui :

Originaire de Grenoble dans les alpes françaises, Yves s’est formé auprès des meilleurs musiciens français et américains de la scène jazz parisienne. A la fin des années 80, il a pu ainsi bénéficier des riches enseignements de personnalités comme Georges Brown, qui fut le batteur de l’une de ses idoles, Wes Montgomery, d’Albi Cullaz, de Charles « Lolo » Bellonzi qui furent les accompagnateurs privilégiés de musiciens tels qu’Hank Mobley ou Dexter Gordon. Encouragé par ses ainés, il décida de franchir le pas et de s’installer à New York, afin « d’être en contact avec et s’inspirer de cette ville mythique dont tous les grands sont issus ».

Il y séjournera 8 ans (1994 – 2002), jouant avec de nombreux piliers de cette scène des années 90 « …les années Small’s » (Mike Le Donne, Rob Bargad, Sylvia Quenca, Bob Mover), et enregistrant à plusieurs reprises avec certains d’entre eux (Grant Stewart, Spike Wilner, Joe Strasser, Paul Gill).

A son retour en France, il continuera à explorer et développer son jeu et son écriture au travers de ses propres projets, tout en accompagnant la jeune génération de musiciens parisiens ainsi que les américains de passage.

Amis de 30 ans, Yves et Spike Wilner partagent une complicité musicale d’une rare qualité, cultivée depuis les années « New York » du guitariste. Les histoires de Spike et du Small’s, le club de la 10ème rue ouest, n’en font qu’une : il en est le propriétaire depuis 2007 (en même temps que du Mezzrow, à un bloc de là) et il y joue depuis 1994. C’est un pianiste réputé, épris de ragtime tout autant que de bebop. Il a usé ses fonds de culotte avec Brad Mehldau, Peter Bernstein et Larry Goldings dans la première classe ouverte du nouveau Département de Jazz de la New School for Social Research en 1986, y recevant l’enseignement de Jaki Byard, Walter Davis, Jr., Barry Harris, Kenny Barron « Nous avons beaucoup joué ensemble dans son quintet et son trio. Nous jouions tous les mardis au Small’s, et tournions occasionnellement dans l’état de New-York. C’est notre 5ème CD ensemble (deux sous son nom, deux sous le mien et un ou nous étions tous deux sidemen).

J’ai toujours beaucoup aimé son jeu mélangeant tradition et modernité, et dans lequel on peut entendre une formation classique. Nous nous connaissons bien musicalement et sommes parfaitement complémentaires dans notre approche synthétique du bop, du hard bop et du blues ».

Natif de Baltimore (MD), Paul Gill est un bassiste de premier ordre, très sollicité sur la scène New Yorkaise, comptant un nombre impressionnant d’enregistrements comme sideman avec les meilleurs artistes de cette scène (Hank Jones, Joe Henderson, Wynton Marsalis, Lou Donaldson, Bill Charlap, Jimmy Cobb, Al Foster, The Vanguard Orchestra, George Coleman, Harold Mabern, Lew Tabackin, Toshiko Akiyoshi, Louis Hayes …).

Son jeu, savant mélange de tradition et de modernité est servi par une technique impressionnante, (notamment à l’archet), comme en témoignent ses soli dans cet album. Comme pour Spike, Yves a beaucoup joué avec Paul qui figure également sur son CD en Quintet « Live at Small’s* » (2002).

« Je connaissais Anthony Pinciotti et avais eu l’occasion de jouer avec lui, mais c’est la première fois que je réalise un projet personnel avec ce grand batteur. Anthony est de ceux qui comprennent immédiatement votre jeu et savent en tirer tout le parti pour vous faire sonner encore mieux.

C’est le genre de batteur que l’on aimerait toujours avoir à ses côtés … » ce qui semble être confirmé par le nombre impressionnant de musiciens de tous bords (jazz, rock, world music …) qui font ou ont fait appel à lui, de James Moody à Dr. Lonnie Smith, John Abercrombie, Joe Lovano, Randy Brecker, Ira Sullivan, Kenny Werner, Mose Allison, Lew Tabackin, John Patitucci, Jim Hall, Bob Mintzer, Renée Rosnes, George Garzone…

Que trouve-t’on dans « Mean what You Say » ?

Turquoise Twice, un vibrant hommage rendu à Cedar Walton, pianiste texan d’adoption new-yorkaise, grand compositeur, discret mais omniprésent, dont la formation, la carrière et les rencontres caractérisent le « Jazz Canal Historique » des années 1950 à 2000, par ses ancrages hard-bop et modernistes, et qui créa cette pièce pour son album Prestige ‘CEDAR !’, (1967),

Mean What You say,  Joué sur un tempo medium avec des harmonies assez modernes et un solo particulièrement fluide de Spike Wilner, ce morceau, qui donne son titre à l’album, est un double clin d’œil, à Thad Jones d’une part, (qui l’enregistra en Big Band et en quintet en 1966), pour l’ambiance et la couleur de l’ensemble, à Russell Malone° d’autre part, en hommage au grand guitariste récemment disparu.

Stranger Than Paradise: Un jour, impressionné par l’écoute des « Danses Polovtsiennes », une séquence du Prince IGOR d’Alexandre Borodine* (1833/1887), Yves commencer à en écrire une harmonisation jazz … pour découvrir très peu de temps après que le travail avait déjà été fait, et avec quel talent, par Robert Wright pour sa comédie musicale « Kismet** » (1953).

« … Du coup j’ai repris son écriture et adapté sa version en lui donnant une couleur « latin jazz » pour me démarquer des superbes versions déjà existantes ».

Magali : Yves est né à Marseille, et tous les minots et les gamins de Provence connaissent mieux cette chanson que « Sur le pont d’Avignon ». Sa mélodie lui en a inspiré cet arrangement qu’il dédie à sa grand-mère, qui la lui chantait quotidiennement dans sa jeunesse, ainsi qu’à toute sa famille.

Besame Mucho, de Consuelo Valazquez, composé en 1932, ici totalement inspirée de la version de Wes Montgomery, qui la jouait en 6/4 sur l’album « Boss Guitar » (1963 Prestige), à la différence près qu’Yves a réadapté la ligne originale en enlevant un temps pour la faire sonner en 5/4. Vous apprécierez la fraicheur que ce choix apporte à ce thème si souvent interprété. Selon Scott Yanow, le jeu rythmique de Wilner y rappelle un peu celui du ‘Take Five’ de Dave Brubeck.

Elsa Rosa : Composée pour son épouse, ce tendre love song est une longue et douce caresse, déclinée par une guitare et un piano très inspiré, à laquelle il ne manque plus que des paroles pour évoquer la Tin Pan Alley et le Great American Song Book.

Massena Blues (Brooks Blues) : Est un blues développé sur une ligne mélodique sortie de ses doigts un jour où il les laissait courir sur le manche, dans un appartement du boulevard du même nom, où habitait sa chère et tendre. Ça swingue et ça boppise, avec des solos à la fois passionnés et réfléchis.

Get Out Of Town : Yves … « J’ai toujours adoré la couleur très particulière des compositions de Cole Porter. J’ai choisi ici de lui donner une connotation un peu ‘’rumba’’, en m’inspirant très fortement de certaines compositions de Wes Montgomery comme ‘’Mister Walker’’ ».

For John L (Brooks 6/4 tune) : pour John Leslie « Wes » Montgomery, est un autre hommage rendu à Wes Montgomery, dans l’esprit du ‘Full House’ de 1962 (Riverside), qu’Yves a longtemps joué sur scène … Le quartet porte ce prolongement naturel au zénith.

On se plait à imaginer Wes et le Wynton Kelly Trio s’amuser avec cet air accrocheur d’une manière similaire à cette interprétation !!

Enfin, une belle version rythmée du Caravan’ de Juan Tizol, l’occasion de ressentir la qualité des échanges que le guitariste et le pianiste partagent avec le batteur, dont on appréciera la finesse et le bon goût de l’accompagnement.

On retrouve dans cet enregistrement tout ce qui fait la Quintessence du jeu d’Yves : l’absence de bavardage stérile ou de pesanteur, la douceur privilégiée à la vélocité, allant constamment à l’essentiel, celui de la note juste, de la note pure … jamais celle de trop, avec ce son bien identifié du quartet « piano-guitare » des années 60, dans une esthétique évocatrice de celle des Blue Note de l’époque.

Cet album est celui de la maturité épanouie, sereine. À son écoute, une certitude : Yves Brouqui se pose comme l’un des guitaristes majeurs du Jazz Canal Historique moderne et ce quartet comme une formidable machine à swinguer.

Musiciens : 

Yves Brouqui : guitare

Spike Wilner : piano

Paul Gil : contrebasse 

Anthony Pinciotti : batterie

*Quelques Références Discographiques (Leader) :

Foreign Currency (Elabeth 1999), avec Alain Jean-Marie (piano), Nicolas Rageau (contrebasse) et Charles Bellonzi (batterie).

Live at Small’s (Elabeth 2001), avec Grant Stewart (saxophone ténor), Spike Wilner (piano), Paul Gill (contrebasse)et Joe Strasser (batterie).

Made in France (Elabeth 2005), avec Grant Stewart (saxophone ténor), Joe Magnarelli (trompette), Nicolas Rageau (Contrebasse) et Phil Stewart (batterie).

The Music of Horace Silver (Elabeth 2011), avec Laurent Courthaliac (piano), Mathias Allamane (contrebasse) et Joe Strasser (batterie).

How Little We Know (Gaya Music 2017), avec Kenji Rabson (contrebasse), et Joe Strasser (batterie).

****Clubs Parisiens.

Mean What You Say est sorti sous le label SteepleChase le 4 avril 2025

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